mardi 15 février 2011

Le sacre chinois n'émeut pas les Japonais

S'il est conscient de la montée en puissance de son voisin communiste, le Japon pointe ses réussites sociales et son PIB par habitant qui reste dix fois supérieur à celui de la Chine.

En 1979, Ezra Vogel, un professeur d'Harvard, fit frissonner l'Occident en proclamant dans son livre « Le Japon médaille d'or » que l'archipel, qui enchaînait alors les records de croissance, allait rapidement s'imposer comme la nation industrielle la plus puissante de la planète. Les économistes rivalisaient de courbes programmant, à courte échéance, le sacre du pays. Trois décennies plus tard, le gouvernement nippon a annoncé, lundi 14 février, sans émotion, que le PIB nominal de la Chine était désormais supérieur au sien.
La nouvelle, perçue, depuis plusieurs années, comme «inéluctable » par les Japonais n'a enclenché aucun débat dans le pays. « Nous ne sommes pas engagés dans des activités économiques pour faire bonne figure dans un classement mais pour améliorer la vie des gens », a expliqué Kaoru Yosano, le ministre de l'Economie, avant de rappeler que le développement de la Chine représentait un formidable moteur de croissance pour le Japon. La Chine absorbe désormais 19% des exportations de l'archipel et l'an dernier 1,41 million de touristes Chinois sont venus visiter le pays et acheter les produits de Canon, Sony et autres Shiseido, réputés pour leur qualité.

Qualité de vie

Si l'Occident aime à pointer, pour conjurer ses propres angoisses, la « décadence » du Japon, qui souffre d'atonie depuis l'éclatement dans les années 1990 de ses bulles immobilière et boursière, l'Asie porte toujours un regard admirateur sur le pays. « L'Inde, le Vietnam et la Thaïlande louent la réussite économique du pays et sa capacité à générer une croissance basée sur la qualité et la valeur ajoutée et non sur la production de masse », note Sherman Abe, le responsable de la chaire de stratégie économique internationale financée par le fonds belge Gimv à l'Université Hitotsubashi.
Cette vision conforte la population japonaise, qui tout en reconnaissant la perte d'influence de Tokyo et la montée en puissance de la Chine, se délecte de la qualité de vie que son développement a généré. Jouissant d'un PIB annuel par habitant de 34.000 dollars, dix fois supérieur à l'équivalent chinois, d'un taux de chômage d'à peine 5%, d'une espérance de vie de plus de 82 ans et d'une paix sociale inébranlable, le Japon ne nourrit dès lors aucun complexe face à son grand voisin communiste.
YANN ROUSSEAU, CORRESPONDANT À TOKYO
14/02/11 | 16:30 |
Les Echos